Voici un extrait du texte « Dialogue de l’Arbre » de Paul Valery, lu et mis en image par Léa Ciari. Le texte complet se trouve ici.

Je t’aime, l’Arbre vaste, et suis fou de tes membres. Il n’est fleur, il n’est femme,
grand Être aux bras multipliés, qui plus que toi m’émeuve et de mon coeur
dégage une fureur plus tendre.. Tu le sais bien, mon Arbre, que dès l’aube je
te viens embrasser : je baise de mes lèvres l’écorce amère et lisse, et je me sens
l’enfant de notre même terre. A la plus basse de tes branches, je pends ma
ceinture et mon sac. De tes ombres touffues, un gros oiseau soudain s’envole
avec fracas et fuit d’entre tes feuilles, épouvanté m’épouvantant. Mais l’écureuil
sans peur descend et se hâte vers moi : il vient me reconnaître. Tendrement
naît l’aurore, et toute chose se déclare. Chacune dit son nom, car le feu du
jour neuf la réveille à son tour. Le vent naissant bruit dans ta haute ramure. Il
y place une source, et j’écoute l’air vif. Mais c’est Toi que j’entends. Ô langage
confus, langage qui t’agites, je veux fondre toutes tes voix ! Cent mille feuilles
mues font ce que le rêveur murmure aux puissances du songe. Je te réponds,
mon Arbre, je te parle et te dis mes secrètes pensées. Tout de ma vérité, tout de
mes voeux rustiques : tu connais tout de moi et les tourments naïfs de la plus
simple vie, la plus proche de toi. Je regarde alentour si nous sommes bien seuls,
et je te confie ce que je suis.